Pourquoi la fascination ? Voir suppose la distance, la décision séparatrice, le pouvoir de n’être pas en contact et d’éviter dans le contact la confusion. Voir signifie que cette séparation est devenue cependant rencontre. Mais qu’arrive-t-il quand ce qu’on voit, quoique à distance, semble vous toucher par un contact saisissant, quand la manière de voir est une sorte de touche, quand voir est un contact à distance ? Quand ce qui est vu s’impose au regard, comme si le regard était saisi, touché, mis en contact avec l’apparence ? Non pas un contact actif, ce qu’il y a encore d’initiative et d’action dans un toucher véritable, mais le regard est entraîné, absorbé dans un mouvement immobile et un fond sans profondeur. Ce qui nous est donné par un contact à distance est l’image, et la fascination est la passion de l’image.
Maurice Blanchot, L’espace littéraire, Gallimard, 1955