TGV

Le TGV coupe le paysage, — ou ce qui apparaît comme tel puisque nous en sommes les spectateurs assignés à nos places — définissant une droite et une gauche, un sens de la marche. Il appose ses fenêtres sur l’extérieur du wagon à la vitesse d’un TER rendant le proche encore discernable : cabanes précaires recouvertes de tôle ondulée, habitats pauvres aux maigres jardins délimités par des canisses, cyprès seuls ou en haies sombres. Le train progresse au milieu de la lagune sur son étroit cordon de ballast avant le lido de La Palme, le couchant réfléchis sur l’eau saumâtre une infinité d’éclats.
Je me rends à la voiture-bar, commande un coca de 50 cl. Reflux de l’attention vers mes semblables. Un contrôleur grand, noir, au bouc finement taillé est au bout du bar, adossé à la fenêtre. Le serveur arbore une gourmette et des anneaux en argent, des cheveux ras. Arrive une femme de taille moyenne, habillée d’une mini-jupe, de collants noirs transparents, de bottines grises sur talons. Les cheveux sont mi-longs, brun-acajou, la couleur s’éteint en progressant vers la racine. Les sourcils épilés ont été retracés au dessus de l’arcade. Elle arbore un piercing — une croix d’argent, sur l’aile droite du nez. Du fond de teint tente de masquer les irrégularités de la peau. Les lèvres minces brun-rosé sont débordées au delà de la ligne blanche par du crayon chocolat.
Commence une représentation, un jeu rigolard avec les limites de la provocation, du racisme, de l’exhibition. Cette jeune femme déclare avoir «largué», après treize ans de mariage, un mari martiniquais jaloux et ne trouve d’intérêt à Paris que dans la fréquentation d’un «club libertin» du 8ème arrondissement. En cette fin d’après-midi chaude, la sueur a contaminé les costumes, la fatigue envahi les corps, chacun a baissé sa garde, tout semble permis, cela sera sans conséquence, nous sommes anonymes. Elle venait initialement au bar pour acheter un mini paquet de chips pour sa petite qui, inquiète probablement, vient chercher sa mère. Nous sommes arrivés.

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