Début d’automne chaud, sous-préfecture de province. J’attends, posté dans ma voiture sur le parking d’une coopérative agricole devenue «drive fermier» et petit supermarché de «produits de pays». Le grand parking est fraîchement bitumé. Enseignes vert-pomme, immanquable charrette trônant à l’entrée à côté des mini-caddies en matière plastique. Berlines moyennes de type Citroën C4 gris ou bleu métallisé.
Fading du milieu de l’après-midi d’un jour de semaine après la saison estivale, après la rentrée. Spectateur derrière mon pare-brise qui cadre, de fait, ma perception flottante, il ne se passe rien comme d’habitude. C’est donc intéressant.
Défilé de couples de baby-boomers d’environ soixante-cinq ans, montant les marches menant au palier d’entrée, bermudas beiges et sandales confort, jambes glabres et blanches des hommes, polos aux couleurs rabattues, parfois aux larges rayures pastel. La tenue est la même pour les femmes. Fadeur uniforme du confortable, de ceux qui semblent avoir renoncé à toute séduction vestimentaire, voire à apparaître, faire figure dans ce monde. Silhouettes moyennes, plutôt rebondies, sans pourtant d’obésité ; cheveux grisonnants et courts pour les deux sexes. Les hommes ont des seins, ceux des femmes sont tombés ; convergence vers l’indétermination. Ces paires d’individus interchangeables semblent obéir inconsciemment aux rythmes circadiens et circannuels de leur catégorie. Il y a comme une défaite dans cet échantillon redoutablement homogène d’une France moyenne.