Supermarché

Supermarché. Le portillon automatique chromé se referme. Entrée par les fruits et légumes. Espace dégagé quasi-horizontal des étals où des granny impeccables voisinent avec des bananes vertes. Au fond, dans un aquarium à bulles bleu turquoise se trouvent deux homards aux pinces liées.
Femmes seules ou couples ; la plupart sexagénaires. Ceux que je croise sont affairés, comme obnubilés par les courses à faire — reliquat d’un instinct prédateur — nous sommes restés des chasseurs-cueilleurs, au fond, et le prendre l’emporte toujours sur le lâcher. Rencontre presque gênée avec une connaissance. Est-ce le caddy ? encombrant réceptacle lourd à manœuvrer qui nous tient à distance ou plutôt une honte à être là, chez les philistins à choisir en somnambules des produits de première nécessité, réduits à quelques besoins biologiques, surpris dans cet exercice primaire ?
L’espace se verticalise. De part et d’autre, deux hauts rayons se dressent et renforcent le sentiment labyrinthique de cette partie du supermarché. M’engage par erreur dans le rayon presse et livres puis tourne vers les surgelés pour arriver aux produits d’entretien.
Émergence du magma sonore. Bruit pas tant humain que machinique. Ronronnement des frigos et de la climatisation, roulement des chariots, bips lointains des caisses et, — musique — chanson française ou plutôt chanson en français : voix acidulée, nasillarde, probablement Cœur de Pirate en duo avec le blond du télé-crochet. Impression épiphanique d’être au monde et souvenir d’un koan en réponse à la question de l’essence du Bouddha : « le balai des chiottes ! ».

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